Après les pillages de la semaine dernière, Andry Rajoelina, le maire de la capitale, s'est proclamé en charge du pays.
IL y a là des dames aux robes soigneusement repassées, des petites filles avec des nœuds bleus dans les cheveux et des hommes pensifs aux cravates bien nouées. La petite rue pavée devant le temple ocre de l'Église de Jésus-Christ d'Antanimena, au centre de la capitale malgache, a les allures normales du dimanche. La petite foule suit le prêche. Le pasteur ne dira pas un mot des heurts qui secouent la Grande Île.
Dehors pourtant, chacun commente le bras de fer qui oppose le jeune maire de la capitale, Andry Rajoelina, au président Marc Ravalomanana. «Le maire veut donner une leçon aux dirigeants. Il a toute la légitimité pour dire au gouvernement de suivre les ordres de Dieu et de partager les richesses», estime Andry Andrasafy. Il y a sept ans, ce chauffeur était déjà descendu dans les rues. C'était alors en soutien à Marc Ravalomanana. «Le président m'a déçu», affirme-t-il. Un revirement que beaucoup ont imité, mais que d'autres condamnent, comme Eddie, qui ne voit dans le mouvement «qu'une manipulation liée aux ambitions politiques du maire». D'un côté comme de l'autre, le ton reste feutré.
Tout comme lors de la sortie des 10 000 fidèles de l'immense temple aux faux airs de hangar de Jesosy Mamoujy (Jésus Sauveur). Les pasteurs de la plus puissante secte évangélique du pays ont, eux aussi, gardé le silence autour des événements. «Nous ne faisons pas de politique», assure Antoine Rakotomiamina, l'un des dirigeants du mouvement. Dans les faits, l'Église, comme beaucoup de fidèles, préfère observer une réserve prudente. Nul ne sait qui sortira vainqueur du duel engagé. Ni comment. On craint avant tout la violence.
Appel à la grève
La journée de lundi pourrait être importante. Le maire a appelé à de nouvelles grèves dans les ministères et à la paralysie politique du pays. S'il est suivi, l'Île rouge entrera dans un nouvel épisode d'instabilité. Car, samedi, la crise a connu une nette escalade. Devant quelques milliers de ses partisans, Andry Rajoelina, écharpe orange sur les épaules, s'est lancé dans un coup d'État verbal, se disant en charge des affaires de Madagascar. L'homme qui a visiblement suivi de près la révolution de velours en Ukraine a toute de suite ajouté : «Une demande pour le départ immédiat du président sera déposée prochainement au Parlement afin de suivre la procédure légale.» L'édile n'avait pourtant jusqu'alors réclamé que la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Il y a quelques jours, il semblait même prêt à se contenter de la réouverture de son antenne de télévision.
C'est la fermeture de cette chaîne qui a servi de point de départ à la contestation. «Ce fut en réalité plus un déclencheur qu'autre chose», souligne Jean-Éric Rakotoarisoa. Selon cet analyste politique, vice-président de l'université d'Antananarivo, le malaise latent remonte beaucoup plus loin. La baisse du pouvoir d'achat, la hausse des prix dans un pays déjà frappé par la misère a grossi les rangs des ventres creux et des mécontents. Le maire, surnommé «TGV» en raison de son accession fulgurante, a surfé sur cette grogne.
Marc Ravalomanana est le premier visé par la colère. En tant que chef d'État, mais aussi en tant que patron de Tiko, un puissant groupe agroalimentaire. «Depuis l'accession au pouvoir du président, ses entreprises, au départ dans l'alimentaire, trustent tout les secteurs rentables de l'économie. C'est une forme très originale et très efficace de corruption», témoigne un diplomate occidental.
Les prix flambent
Lundi dernier, lorsque les marches pour la démocratie ont viré au pillage et aux émeutes de la faim, ce sont les entreprises du président qui ont été les premières touchées. En quelques heures, des dizaines d'entrepôts de gros ont été saccagés, des tonnes de marchandises emportées. Des sacs de riz ou de sucre, des bidons d'huile providentiels se sont échangés au marché noir. Mais aujourd'hui, les étals sont vides et la pénurie fait flamber les prix. «Cela pourrait encore aggraver la fracture», explique Jean-Éric Rakotoarisoa, qui estime néanmoins les demandes du maire «prématurées». «C'est une dangereuse fuite en avant.» Conscient des risques, le président est brièvement sorti samedi soir de son silence. «Je suis toujours le chef de l'État et le pays est calme», a-t-il assuré. Pas un mot sur son jeune rival, qui ne semble pas exister à ses yeux, et encore moins sur ses demandes.
Pour sortir le pays d'un statu quo qui tourne à l'impasse, ceux qui cherchent un médiateur lorgnent de plus en plus vers l'armée. Mais les militaires, légalistes, restent pour l'heure muets.
www.lefigaro.fr | Tanguy Berthemet, envoyé spécial à Antananarivo 02/02/2009 | Mise à jour : 07:40
Discours du président Ravalomanana
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[image: vih 09 120430 Tafa mivantana nataon'ny PRM]
Il y a 12 ans
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