Andry Rajoelina, qui doit être officiellement intronisé samedi, feint de ne pas s'inquiéter de la réprobation internationale et des sanctions qui commencent à tomber.
La situation se complique pour les nouvelles autorités malgaches. La communauté internationale, d'abord circonspecte devant l'enchaînement d'événements ayant conduit, lundi dernier, Andry Rajoelina à prendre le pouvoir à place du président élu Marc Ravalomanana, marque désormais clairement son hostilité.
Les efforts de l'ancien maire d'Antananarivo pour défendre la légalité de la Haute Autorité de transition, son gouvernement, semblent vains. Les critiques les plus dévastatrices sont venues de l'ancienne métropole, premier partenaire commercial du pays. Nicolas Sarkozy a estimé vendredi «qu'un coup d'État» avait bien eu lieu à Madagascar et a «regretté l'évolution» de la situation. Dans un premier temps, Paris avait fait montre d'une certaine bienveillance lors de la chute du président Marc Ravalomanana avec qui les relations avaient toujours été très tendues. Mais la décision mercredi du nouveau pouvoir malgache de dissoudre le Parlement, rabotant net le peu de vernis démocratique qui restait dans la Grande Île, a lassé les patiences. Certains redoutent désormais que les proches d'Andry Rajoelina ne cherchent à se venger des partisans de l'ancien régime. À commencer par le chef d'État déchu qui serait toujours caché à Madagascar. «Je mets en garde le nouveau pouvoir sur l'intégrité physique de l'ancien président», a prévenu Nicolas Sarkozy.
Paris joint ses avertissements à ceux émis par l'Union européenne et les États-Unis. Bruxelles étudie désormais d'éventuelles sanctions économiques. Washington a pour sa part annoncé la suspension de son aide «non humanitaire». La coupure de ces crédits, notamment l'aide directe qui représente 45 % du budget de l'État, prendrait vite une tournure catastrophique pour la nouvelle équipe. Lors de leurs harangues, ceux qui n'étaient alors que des opposants ont multiplié les promesses. Elles seront intenables sans financements étrangers.
Le boycott des diplomates
La Haute Autorité de transition ne pourra pas non plus compter sur la sollicitude de ses «frères» africains. L'Union africaine a décidé vendredi de suspendre Madagascar de l'organisation. Cette réaction n'est pas vraiment une surprise. Les chefs d'État africains s'inquiètent de plus en plus de la succession de coups de force sur le continent. En neuf mois, quatre régimes ont déjà été emportés. La Mauritanie et la Guinée, théâtres de putsch en août et décembre derniers, avaient été également suspendues.
Pour éviter l'isolement total de Madagascar, les diplomates veulent persuader Andry Rajoelina de revenir sur la suspension du Parlement et le pousser à organiser des élections au plus vite. Mais le régime ne semble pas avoir pris la mesure de la réprobation internationale.
Vendredi, dans le palais Ambohitsorohitra, au milieu du désordre joyeux d'un emménagement, nul ne semblait vraiment inquiet. «Ces condamnations ne nous embêtent pas outre mesure. Nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un coup d'État. C'est l'expression directe de la démocratie», insistait le premier ministre, Monja Roindefo, mettant en cause «la vision un peu brouillée» de l'Union européenne.
Le réveil pourrait être brutal. Prévue pour être l'apothéose de l'ascension éclair d'Andry Rajoelina, la cérémonie d'intronisation organisée ce matin dans le grand stade de la capitale s'annonce amère. Vendredi soir, la majorité des diplomates invités semblaient décidés à boycotter les festivités. Plus grave, dans la matinée, certains militaires, un corps qui a grandement contribué à la victoire des opposants, menaçaient eux aussi de pratiquer la politique de la chaise vide. «Vous imaginez s'il n'y a personne ?» , finissait par s'inquiéter l'entourage nouveau président.
Tanguy Berthemet | www.lefigaro.fr