Après les Etats-Unis et l'Union européenne, l'Union africaine a à son tour dénoncé vendredi "un changement de gouvernement non constitutionnel" à Madagascar. Antananarivo est suspendue des instances de l'organisation africaine et des sanctions sont à l'étude. Mais ces condamnations sont tardives. Doit-on y voir un manque d'intérêt pour la Grande île ou un silence embarrassé?
Souvent prompte à condamner les coups d'Etat, la communauté internationale a été plutôt discrète sur les événements de Madagascar. Du moins dans un premier temps. Mardi, l'ancien maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina, appuyé par l'armée, prenait le pouvoir dans la Grande île. "Il est légitime de parler de coup d'Etat", expliquait jeudi au JDD.fr Philippe Hugon, directeur de recherches à l'Iris et spécialiste de la géopolitique de l'Afrique. Mais la communauté internationale, elle, s'est abstenue de qualifier le nouveau pouvoir de légitime mais également de parler de coup d'Etat. Seule l'Union africaine assimilait dès lundi la demande de destitution du président Marc Ravalomanana, formulée par l'opposition, à une "tentative de coup d'Etat". L'Union européenne, elle, se contentait de mettre en garde contre une prise de pouvoir par la force. Et une fois l'accession au pouvoir d'Andry Rajoelina officialisée par la Cour constitutionnelle, les commentaires ont été encore plus vagues. L'ONU a tout simplement reconnu son incapacité à qualifier les événements. "La légalité de la situation n'est pas quelque chose que nous pouvons déterminer", a ainsi déclaré l'une de ses porte-parole, Michèle Montas.
Mais la décision d'Andry Rajoelina de dissoudre l'Assemblée nationale et le Sénat, où le parti de Marc Ravalomanana détenait la majorité absolue, a forcé la réaction. A Washington, le département d'Etat a jugé jeudi "non démocratique" le transfert du pouvoir et décidé vendredi de suspendre son aide non humanitaire. La présidence tchèque de l'Union européenne est allée plus loin, qualifiant de "coup d'Etat" l'arrivée au pouvoir de l'ancien maire d'Antananarivo. Mais interrogé sur d'éventuelles sanctions de l'UE, le chef de la diplomatie tchèque, Karel Schwarzenberg, a déclaré: "Pour le moment, nous allons adopter une approche prudente et voir comment les choses évoluent." Même son de cloche du côté de l'Union africaine qui a décidé vendredi de suspendre Madagascar de ses instances, sans toutefois décider de sanction dans l'immédiat. Quant à la France, Nicolas Sarkozy a estimé vendredi que le président Ravalomanana avait été victime d'un "coup d'Etat". La France a toutefois annoncé jeudi qu'elle entendait poursuivre son aide à Madagascar quand la Norvège, elle, l'a suspendue depuis l'arrivée au pouvoir de Rajoelina.
Histoire commune
Pourquoi les condamnations n'ont-elles pas été immédiates? Les événements de Madagascar n'entrent pas dans un "schéma" habituel de transmission du pouvoir. Le président Ravalomanana n'a pas été destitué mais il a démissionné. Autre élément d'explication: l'armée n'est pas à l'origine du changement. Elle n'a en effet fait que suivre le mouvement engagé par Andry Rajoelina depuis trois mois. "Il n'aurait pas pu s'imposer sans les militaires", nuance toutefois Philippe Hugon. En choisissant son camp mardi - et en prenant les bureaux de la présidence - ils ont permis de faire pencher la balance de son côté. Et puis la définition du concept de "coup d'Etat" recouvre toute "prise de pouvoir par la force". L'action militaire n'est donc pas automatique. Dans le cas de Madagascar, Marc Ravalomanana n'a pas été chassé par la force mais par la pression de la rue, d'où peut-être les hésitations de la communauté internationale à condamner un mouvement populaire. "Madagascar se trouvait dans une impasse. Or, Rajoelina avait le soutien d'une partie de la population", analyse Philippe Hugon, selon qui la communauté internationale a vu d'un bon oeil le dénouement d'une crise politique qui avait duré trois mois et fait 135 morts.
Enfin, dernière explication: l'histoire commune de certains pays avec la Grande île. Difficile par exemple pour l'UA de condamner rapidement ces événements quand son président n'est autre que le colonel Kadhafi, lui-même arrivé au pouvoir en Libye à la faveur d'un coup d'Etat en 1969. Quant à la France, ancienne puissance coloniale, "elle ne voyait pas d'un mauvais oeil le départ de Ravalomanana", estime Philippe Hugon, qui rappelle que Paris a par exemple accueilli Andry Rajoelina dans son ambassade alors qu'il se cachait des autorités. Les relations entre Paris et Marc Ravalomanana ont toujours été tendues, la France ayant toujours soutenu l'ancien président Didier Ratsiraka, battu par Ravalomanana en 2002. Ce dernier a privilégié les intérêts américains et rétabli l'anglais comme langue officielle. Pourquoi dès lors Washington n'est pas intervenu plus directement pour le soutenir? "Il y a un vide aux Etats-Unis en ce moment. Barack Obama n'a pas encore nommé de Monsieur Afrique et Madagascar n'est pas sa priorité", analyse Philippe Hugon. Quand à Bruxelles Nicolas Sarkozy condamne un coup d'Etat, l'ambassadeur de France à Madagascar fait une visite de courtoisie à Andry Rajoelina. Le premier diplomate étranger à le faire.
Par Marianne ENAULT
leJDD.fr
Discours du président Ravalomanana
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[image: vih 09 120430 Tafa mivantana nataon'ny PRM]
Il y a 12 ans
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