jeudi 5 février 2009

Le Figaro: “Andry Rajoelina, le rebelle qui veut gouverner Madagascar”

PORTRAIT - Le maire de la capitale ne doute pas de son destin : il a demandé lundi à la Cour constitutionnelle de destituer le président en place. Mardi, il a été démis de ses fonctions par le ministre de l'Intérieur.

On imaginait de manière très différente un jeune homme aussi pressé. Andry Rajoelina, le maire de Antananarivo, tout juste 34 ans, reçoit calmement, en bourgeois arrivé, dans le salon de sa villa un peu clinquante d'un quartier chic de la capitale. «C'est vrai que je vais vite. J'ai monté mes entreprises jeune, je suis entré en politique jeune, il est normal que je continue», glisse-t-il d'une voix suave en revendiquant son surnom, TGV, né de sa capacité à brûler les étapes. Le garçon fluet s'est hissé au sommet à une vitesse fulgurante, au point de s'imposer comme le principal rival du président Marc Ravalomanana, dont il réclame aujourd'hui la déchéance à la tête de l'État.

Il a surgi sur la scène politique malgache sans crier gare, comme l'un de ces cyclones qui ravagent régulièrement la Grande Île. Il y a peu, Andry Rajoelina, un ancien disc-jockey à succès, organisateur d'événements courus, n'était encore connu que pour ses qualités d'homme d'affaires. Cet autodidacte, fils d'un colonel, a fondé deux entreprises qui prospèrent dans la communication.

À l'automne 2007, il met la main sur une chaîne de radio-télévision, Viva, juste avant de se lancer dans l'élection municipale dans la capitale. «Je me suis présenté par amour du pays», assure-t-il. Les médias et sa science de la communication vont largement compenser sa faible expérience politique. Il est élu triomphalement, à la surprise générale.

«Régime dictatorial»

Dès lors, le parallèle avec Marc Ravalomanana se fait évident. Les deux hommes, issus de l'ethnie Merina des hauts plateaux, le berceau de l'élite malgache, sont tout deux partis de rien pour monter des fortunes. Et l'un comme l'autre ont conquis la mairie de «Tana» avant d'en faire un tremplin vers un destin national. «La similitude va jusqu'à leur façon de parler, leur penchant à l'autoritarisme», remarque un spécialiste de l'île, Jean Éric. «Je ne suis pas du genre à laisser traîner les choses», reconnaît l'édile.

Fonceur au point d'en oublier parfois de calculer la portée de ses actes ? Peut-être. En se proclamant, samedi, après dix jours de manifestations et de grèves, «en charge du pays» dans une sorte de coup d'État larvé, il s'est aliéné la communauté internationale. L'Union africaine et l'Europe ont immédiatement appelé au respect de la Constitution. «J'appelle les bailleurs de fonds et la communauté internationale à ne pas se rendre complice d'un régime dictatorial», a rétorqué lundi TGV.

Mais la leçon semble avoir relativement porté. Lundi, c'est en petit comité, loin des foules, que les membres de son parti, le TGV (Tanora Gasy Vonona, les jeunes Malgaches décidés), sont allés déposer devant la Haute Cour constitutionnelle leur demande de déchéance du président. L'opération a fort peu de chances de réussir. La nomination du gouvernement de transition, censé prendre la tête de Madagascar, a néanmoins été reportée.

La foule de ses partisans semble un peu perdue devant ces atermoiements. Tout comme elle n'apprécie guère son alliance récente avec l'opposition traditionnelle, notamment les proches de l'ex-président Didier Ratsiraka. «Je ne m'arrêterai pas. Tout le pays doit lutter. Je veux changer la politique dans ce pays», rétorque Andry Rajoelina, qui nie tout essoufflement de la mobilisation.

Trop jeune pour la présidence

«C'est un homme très ambitieux qui a la foi, en Dieu et en lui-même», souligne l'ex-ministre de la Défense Désiré Ramakavelo. Il se rêve à haute voix à la tête du gouvernement de transition «pour deux ans seulement». «Ensuite, il y aura des élections auxquelles je ne participerai pas.» Curiosité de cette crise, le jeune leader ne peut pas, de toute façon, briguer la présidence. La Constitution malgache impose d'avoir au moins 40 ans.

Serait-il tenté de retoucher la loi fondamentale ? Il élude la question : «J'ai dit que je ne resterais que deux ans. Je ne changerai pas d'avis. Je suis jeune. J'ai encore au moins vingt ans de carrière politique. J'ai tout mon temps pour arriver à la présidence.» Dans la voix de l'élu, pas le moindre doute ne perce : son destin, il le voit tout tracé. Il lui reste seulement à apprendre la patience.

www.lefigaro.fr
03/02/2009 | Mise à jour : 15:33

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